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Divine indécence...
31 octobre 2007

Toi et Moi...

Le cercle des poètes disparus

C'est en 1908 que Paul Géraldy - de son vrai nom Paul Lefèvre - publie son premier recueil de poèmes, 'Les Petites Ames'. Mais il devra attendre 1912 et la parution de son second recueil, 'Toi et moi', pour connaître le succès. Sa poésie est sensible, parfois qualifiée de désuète, elle touche le public grâce à ses mots de tous les jours, à la simplicité de ses écrits. C'est notamment face à la gent féminine qu'il connaît sa principale reconnaissance. Côté théâtre, ses pièces traitent de questions psychologiques traditionnelles, mais plus particulièrement des relations familiales au sein de la petite bourgeoisie intellectuelle de l'entre-deux-guerres. Principalement porté sur la vie de couple, son regard, au travers de ses pièces - 'Aimer', 1921, 'Robert et Marianne', 1925... - étudie la vie à deux face au quotidien et à ce qu'il engendre : peur, monotonie, habitude, pesanteur...).

Géraldy a malheureusement été omis de l'anthologie de la poésie française de Pierre Seghers, ce qui l'a rendu presque inconnu de la génération née après guerre. Le journaliste Jean-François Kahn le redécouvrira et le fera redécouvrir au public le temps d'une émission télévisée au début des années 80.

 

L'ABSENCE 

Ce n'est pas dans le moment
où tu pars que tu me quittes.
Laisse-moi, va, ma petite,
il est tard, sauve-toi vite!
Plus encor que tes visites
j'aime leurs prolongements.

Tu m'es plus présente, absente.
Tu me parles. Je te vois.
Moins proche, plus attachante,
moins vivante, plus touchante,
tu me hantes, tu m'enchantes!
Je n'ai plus besoin de toi.

Mais déjà pâle, irréelle,
trouble, hésitante, infidèle,
tu te dissous dans le temps.
Insaisissable, rebelle,
tu m'échappes, je t'appelle.
Tu me manques, je t'attends!

Paul Geraldy ("Toi et Moi")
1885

______

DISTANCE

Il m'a troublé comme un enfant
ton rendez-vous au téléphone.
J'avais dit, plus d'une heure avant,
qu'on ne laissât entrer personne
dans la chambre où j'avais éteint
pour t'attendre toutes les lampes.
Je sentais bourdonner mes tempes.
Et je n'étais pas bien certain,
seul au fond de cette ombre pleine,
de la promesse de ta voix,
que je n'allais pas contre moi
sentir le vent de ton haleine ...
Lorsque ton brusque appel tinta,
je crois que mon sang s'arrêta
dans mes veines plusieurs secondes.
Puis tu parlas. Je t'entendis.
Mais tous les mots que tu me dis
semblaient venir du bout du monde.
Elle avait dû, ta pauvre voix,
parcourir d'une seule haleine
des collines, des champs, des plaines,
des villes, passer sous des bois,
longer des fleuves eet des routes ...
Et c'était pour cela sans doute
qu'elle m'arrivait, cette voix,
si changée, si diminuée,
si ténue et si dénuée,
que ce n'était presque plus toi
qui parlais dans la chambre sombre,
mais quelque chose comme l'ombre
ou le fantôme de ta voix...
Je m'étais dit, ma chère absente,
que je te sentirais penchée
vers ma bouche, et sinon présente,
du moins mille fois rapprochée ...
Mais au contraire à ce moment
la distance semblait accrue
entre nous indéfiniment ...
Et soudain tu m'es apparue,
au bout de ce fil décevant,
si déséspérement lointaine,
que je me suis trouvé, devant
ce téléphone, avec ma peine,
plus seul et plus perdu qu'avant.

Paul Geraldy ("Toi et Moi")

______

NERFS

Non ! ne t'enfuis pas ! Ce geste
de te repousser de moi,
cette rigueur, cette voix,
ce mot brutal  - reste ! reste ! -
ne s'adressaient pas à toi.
Je ne gronde et vitupère
que contre on propre ennui.
C'est sur toi qu'en mots sévères
se délivrent mes colères,
mais c'est moi que je poursuis.
T'en vouloir ? De quoi ? Je pense
à ton coeur sans récompense.
Je le voudrais rendre heureux
c'est de mon insuffisance,
pauvrette, que je t'en veux.
Ris-toi donc du méchant geste
et pardonne aux mots mauvais.
Et ne sois plus triste. Et reste ...
En toi ce que je déteste,
c'est le mal que je te fais.
Paul Geraldy 1913 ("Toi et Moi")

"Le silence lui même, a quelque chose à taire..."

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